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Tant que les lions n'auront pas d'historiens, les histoires de chasse tourneront à la gloire du chasseur - Le mensonge se lève très tôt mais la vérité finit par le rattraper - Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage

mercredi 13 octobre 2010

Épique, épique

... Et colégram...

Épique : relatif au genre littéraire de l’épopée...

« Une épopée est un long poème d’envergure nationale narrant les exploits historiques ou mythiques d’un héros ou d’un peuple. [...]
L’épopée se rattache originellement à une tradition orale, transmise par des aèdes itinérants, griots, shamans, conteurs, bardes ou troubadours. [...] D'abord retranscription de fragments récités, parfois à partir de sources différentes, elle devient par la suite un genre littéraire en soi, l’œuvre d’un seul auteur, qui continue cependant souvent à utiliser des procédés hérités de la tradition orale. On peut ainsi distinguer épopées primaires ou populaires et épopées secondaires, également dites épopées littéraires. »

On trouve des épopées depuis les plus hautes époques jusqu’à nos jours, de l’Épopée de Gilgamesh au Western (épopée cinématographique !).



Le livre biblique de Josué est présenté aujourd’hui généralement par les spécialistes comme relevant du récit épique, genre de l’épopée... (Texte en français : ici ; et en hébreu : ici.)

Dans un article intitulé, précisément, « L'épopée israélite à l'épreuve de l'archéologie », publié dans L’Express (déc. 2005), Claire Chartier résume les approches les plus en pointe en 2005 en commençant en ces termes :
« La conquête de la Terre promise - rapportée dans le livre de Josué, successeur de Moïse, vers 1230 avant Jésus-Christ - décrit un peuple en armes, qui semble avoir effacé de sa mémoire le premier des Dix Commandements. Les combats sont sanguinaires, les chefs de guerre féroces, les victoires époustouflantes. [...] »
Une épopée des Hébreux qui, au moment de la conquête, pourtant, « étaient déjà sur place ! » écrit-elle, citant Israel Finkelstein pour lequel, « les habitants de ces villages n'étaient autres que les peuplades indigènes de Canaan, qui, petit à petit, ont fini par développer une identité ethnique que l'on peut qualifier d'israélite. »

Épique encore, tout près de nous cette fois, parmi les plus récentes œuvres se rattachant au genre de l’épopée, « le western, littéralement "[film] de l'ouest", trouve ses origines au plus profond de l'Histoire des États-Unis. Il retrace un épisode symbolique de la naissance de la nation. La rude conquête de l'Ouest, la sanglante guerre de Sécession et les guerres indiennes qui se sont déroulées au XIXe siècle témoignent de la douleur qui fut nécessaire à la construction du pays. D'après l'historien Frederick Jackson Turner, l'épopée des pionniers a forgé l'identité même du peuple américain ».

Bien avant dans le temps, en Europe cette fois, on trouve la chanson de geste - dont la célèbre Chanson de Roland -, qui fait entrer de plain-pied les vertus guerrières en chrétienté médiévale. Auparavant en effet, la valeur religieuse de l’héroïsme guerrier était moyennement prisée en chrétienté latine, sujet d’un véritable embarras, comme ça l’est resté en chrétienté orientale, où l’on est choqué de voir des religieux porter des armes ! Un tournant a eu lieu suite aux Croisades, tournant marqué en Occident par l'Éloge de la nouvelle chevalerie - en l'occurrence les Templiers - éloge écrit par Bernard de Clairvaux. Est alors apparue en chrétienté latine l'exaltation des vertus militaires comme vertus quasi religieuses, les inscrivant, chose difficilement compréhensible jusque là, dans la catégorie du martyre ! (Cela demeurera incompréhensible en chrétienté orientale, et choquera le fameux Manuel II Paléologue, fameux depuis que Benoît XVI a cité ses propos sur l’islam, omettant ses remarques sur le catholicisme et ses moines-guerriers qui eux aussi rebutaient Manuel II.)

Avant qu’on ne la trouve de la sorte en chrétienté latine médiévale, cette notion existe en islam, ce qui permet de recevoir comme relevant aussi du genre de l’épopée les récits guerriers que l’on y trouve, s’enracinant dans le Coran et les Hadiths - ainsi la célèbre Sira de Ibn Hichâm (m. 834), récemment traduite en français par l’historien Wahib Atallah — Ibn Hichâm, La biographie du prophète Mahomet (traduction française de Wahib Atallah, Paris, Fayard, 2004) :

« "Encore une vie de Mahomet" s’exclame en introduction [...] le professeur Wahib Attalah. Oui, "encore une" ! Mais elle manquait ! [...].
Ibn Hichâm (IXe siècle), [...] s’est attelé à [...] résumer [...] la biographie du prophète, rédigée par Ibn Ishâk un demi-siècle plus tôt, à la demande du Calife Abbasside Al Mançur. [...]
Ibn Hichâm [...] écrit [...] lui même : "j’allégerai le récit [de Ibn Ishâk] de tout ce qui ne touche pas directement le Prophète, n’a pas de rapport avec la révélation du Coran et n’apporte aucun éclairage nouveau sur ces questions"... Une méthode bien connue aujourd’hui : le sujet, tout le sujet, mais rien que le sujet. [...] », peut-on lire dans la recension donnée sur le site oumma.com.

Ibn Hichâm célèbre Mahomet notamment comme prophète guerrier en des termes étranges s'il n’a pas reçu ses sources, Coran et Sunna, comme participant aussi du genre de l’épopée... Quelques brèves citations :

Suite à la bataille de Khaybar et à la victoire musulmane contre les juifs Banû Quraydha, qui (je cite Ibn Hichâm) « étaient six à sept cents hommes. On dit huit cents et même neuf cents. [...] Le Prophète ne cessa de les égorger jusqu’à leur extermination totale. » (Ibn Hichâm, op. cit., p. 277.) Quant à leur chef Huyayy ibn Akhtab, « on le fit venir devant le prophète [...] les mains ligotées autour du cou. » Et [après une conversation chevaleresque,] « il s’assit et le Prophète lui trancha la tête. » (Ibid, p. 277-278.) Mahomet, en cela, met à exécution ses propres recommandations (toujours selon Ibn Hichâm) : « Le Prophète recommanda à ses compagnons : Tout juif qui vous tombe sous la main, tuez-le. » (Ibid., p. 232.) Si on n’est pas dans le genre épique, dans le récit de l’exploit guerrier !...

Épopée où ne manque pas même l'épique "repos du guerrier" : c’est encore Ibn Hichâm, dans cette même Sira du Prophète (ibid., p 399), qui faisant la liste des femmes du Prophète, nous donne jusqu'à l’âge, devenu sujet de polémique, de Aicha au moment de son mariage avec Mahomet déjà âgé, toujours sur la base des mêmes sources musulmanes : sept ans, donnée en mariage par son père Abu Bakr, premier calife, mariage consommé alors qu’elle a « neuf ou dix ans » (ibid., p. 399). (Âges qui, pour être ceux donnés traditionnellement, et suite à Ibn Hichâm, n'en sont, de nos jours, pas moins contestés.)

... Si l’on n’est pas dans le récit épique, tout cela demande quelques explications supplémentaires ! Mais en revanche, dans le genre épique, on est en terrain relativement balisé, tant en matière de virilité (selon les conceptions de l’époque !) qu’en matière guerrière (toujours selon les façons de l’époque), où on glorifie un héros en relatant ce genre d’exploits !

C'est dire l'importance de comprendre que dans tous les récits évoqués jusqu’aujourd’hui pour justifier conflits et comportements guerriers, l’on est dans le genre épique, dans des épopées relatées selon les conceptions des époques anciennes respectives. Dès lors, si l’on est fondé à trouver intérêt au souffle que dégage l’œuvre littéraire, il n’y a en revanche aucun modèle à trouver pour aujourd’hui chez les protagonistes, fussent-ils les héros de ces épopées d’antan !


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