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Tant que les lions n'auront pas d'historiens, les histoires de chasse tourneront à la gloire du chasseur - Le mensonge se lève très tôt mais la vérité finit par le rattraper - Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage

mardi 17 mai 2011

Côte d'Ivoire : comment en est-on arrivé là ?



Petit mémorandum en quelques dates :

En 2000 : sitôt Gbagbo élu, et même déjà avant, les médias internationaux, relayés par leurs pendants ivoiriens l'on mis dans le collimateur.
On connaît, notamment, le fameux charnier de Yopougon. On sait moins qu'une commission indépendante avait été mise en place en 2000 par le ministère de la Justice de Gbagbo pour mener les enquêtes. Les travaux étaient fort avancés. Quand le RDR a pris le ministère de la Justice après Marcoussis et que Henriette Dagri Diabaté, SG du RDR et adjointe de Ouattara, a été nommée Garde des Sceaux, elle a automatiquement dissous la commission et interrompu les investigations. Elle n’a jamais mis sur pied une nouvelle commission ni réactivé les enquêtes. L’on saura plus tard par des sources judiciaires que les résultats partiels auxquels étaient parvenus les enquêteurs accablaient le RDR... (Cf. http://www.notrevoie.com/develop.asp?id=36504.)
Autre attribution célèbre : on prête couramment à Gbagbo ce à quoi il s'est toujours opposé, comme l' « ivoirité » de Bédié, selon le nom donné à cette loi excluant de l'éligibilité à la présidentielle, un peu à la façon américaine, des candidats qui ne seraient pas nés ivoiriens. Cette loi vise évidemment Ouattara. Gbagbo alors député a voté contre. Nombre de Français croient, de bonne foi, qu'il en est à l’origine ! Non content d’avoir voté contre, il octroie en 2000, lors du forum de réconciliation qu'il met en place avec un gouvernement d’union nationale, la nationalité ivoirienne à Ouattara (et il le rendra éligible par décret en 2005).

Cela n'empêche qu'en 2002, un coup d’État éclate, et échoue : des rebelles, dont nombre de déserteurs de l'armée régulière, venus de leur base-arrière du Burkina Faso descendent jusqu'à Abidjan où ils vont jusqu'à tuer le ministre l'Intérieur, mais ils sont repoussés par l'armée régulière jusqu'à Bouaké, où l'armée française s'interpose au motif de l'évacuation de ses ressortissants. Le gouvernement ivoirien demande alors l’activation des accords de défense, qui lui est refusée par le pouvoir français. Depuis le pays est coupé en deux. Des exactions épouvantables ont lieu au Nord, au point que la population d’Abidjan croît exponentiellement du fait du très grand nombre de réfugiés. Les médias français ne rendent jamais compte de ces exactions : le parti-pris est manifestement trop fort. Ex. Libération qui trace un portrait élogieux des rebelles les donnant, en légende d'une photo les présentant, comme « gueules d'amour » (sic).

En 2003, cette partition est entérinée dans le stade rugby de Marcoussis, en région parisienne où sont réunis les partis politiques et les groupes rebelles qui sont multipliés en trois représentations géographiques. Le pouvoir ivoirien n'est pas représenté, mais il est sommé d'accepter les accords de Marcoussis, qui ont pour propos de transformer, selon une expression devenue célèbre, Gbagbo en « reine d’Angleterre ». Tout Abidjan descend dans la rue pour s'opposer à ce qu'on y nomme « coup d’État constitutionnel ». C'est là qu’apparaît en boucle un mort célèbre, un ancien acteur, Camara H., dont le corps est exposé sur le terre-plein central d'une voie rapide d'Abidjan : est née la fameuse expression « escadrons de la mort de Gbagbo », diffusée par Le Monde, ce qui lui vaudra condamnation par la justice française pour diffamation de Gabgbo et de son épouse : «Par arrêt en date du 5 avril 2006, la cour d’appel de Paris, 11è chambre, a condamné Jean-Marie Colombani, directeur de la publication du journal Le Monde et du site Internet www .lemonde.fr pour avoir publiquement diffamé Laurent et Simone Gbagbo en publiant dans les numéros datés des 8 et 20 février 2003, en ligne depuis la veille, d’une part, sous le titre «Côte d’Ivoire : enquête sur les exactions des escadrons de la mort», un article intitulé «Le rôle clé des gardes du corps du couple présidentiel», les mettant en cause, d’autre part sous le titre «Le sommet à Paris d’une France-Afrique en crise», un article intitulé «La crise ivoirienne, un condensé des caractéristiques de tout un continent» les mettant également en cause.» Le magazine Le Monde 2 est condamné à financer la publication dans Le Monde mais aussi dans des supports du choix du couple Gbagbo, à hauteur de 3000 euros (un peu moins de 2 millions de F CFA), ce texte : «Par arrêt en date du 5 avril 2006, la cour d’appel de Paris, 11è chambre, a condamné Jean-Marie Colombani et la société Issy Presse pour avoir publiquement diffamé Laurent et Simone Gbagbo en publiant dans Le Monde daté du mois de février 2003 un article intitulé «Gbagbo, Simone, Dieu et le destin», les mettant en cause.» (Cf. Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 700 du Jeudi 27 Avril 2006.) Mais on connaît la formule : calomniez calomniez, il en restera toujours quelque chose...

2004. 6 novembre : 9 soldats français sont tués au camp de Bouaké. Le Président Chirac déclare qu'il s'agit d'un bombardement intentionnel commandé par son homologue L. Gbagbo – en marge de l’opération aérienne de désarmement des rebelles qui était selon toute probabilité en train d'être achevée. Dans la foulée toute la flotte aérienne ivoirienne est détruite au sol.
Quant à la mort des soldats français, on n'en connaît toujours pas la cause, la France ayant alors interdit toute enquête, française ou ivoirienne, sur les événements de Bouaké.
Depuis les familles de soldats tués ont requis un avocat, Me Balan, qui, avec l'aide de la juge aux armées Brigitte Raynaud, qui depuis a été dessaisie du dossier, est arrivé à la certitude que Gbagbo n'a rien à voir avec tout cela. (cf. http://www.abidjantalk.com/forum/viewtopic.php?p=172994.)
Il n’empêche que les conséquences considérables ont déjà pris place, avec les manifestations des patriotes menaçant les biens français (mais jamais les personnes : zéro mort), durement réprimées par l'armée française. Selon les Ong internationales 60 morts et des centaines de blessés suite aux tirs français – ce qui fait dire à un livre célèbre : la France a perdu l'Afrique à Abidjan en nov. 2004.

2007 : accord de Ouagadougou. Depuis 2002-2003, Gbagbo n'a pas réellement le pouvoir, mais il déploie des efforts pour gérer la transition, jusqu’à signer l'accord de Ouagadougou qui promet l’accession du leader rebelle Guillaume Soro au poste de Premier ministre. Clause centrale de l'accord : l'Onu assurera le désarmement des rebelles avant (au minimum trois mois avant) que des élections puissent être organisées. Cette clause ne sera jamais respectée. Malgré cela, les pressions se multiplieront sur Gbagbo pour qu'il vienne aux élections. Il finira, manifestement trop tôt, l’histoire l'a montré ces derniers mois, par céder.

2010 : les élections se déroulent dans ces conditions pour le moins surprenantes : plus de la moitié du territoire n'est pas contrôlée par l’État, étant aux mains de chefs de guerre célèbres pour leur violence. Résultat : dans la zone contrôlée par l’État, des élections « normales » en termes démocratiques, de l'ordre de 60% - 40%. Dans les zones rebelles, des scores soviétiques pour Ouattara, dépassant (sic) parfois les 100% !
La commission électorale dite indépendante (Cei – composée à 80% de ouattaristes sur la base du quota de représentation de Marcoussis), prévue par les accords de Pretoria, ne parvient à aucun accord. Ce qu'annonce son Président, Y Bakayoko, un quart d’heure avant sa forclusion,
Le lendemain, il est requis et conduit au QG du candidat Ouattara par les ambassadeurs de France et des USA et annonce devant France 24 des chiffres qui donnent Ouattara vainqueur, au prix de l'augmentation de 10% de participation par rapport à celle officialisée par l'Onu. Le représentant du SG de l'Onu, JY Choï valide toutefois ce qui est donné depuis comme résultat, invalidé pour fraude massive par le conseil constitutionnel, qui proclame l'élection de Gbagbo. Depuis, Gbagbo ne cesse demander que l'on recompte les voix, ce que refusent Ouattara, Sarkozy et le SG de l'Onu, lequel ira jusqu'à affirmer que recompter serait « injuste » (sic). Face à cette proposition ses adversaires, France, USA, UE, et plusieurs potentats africains via l'UA et la CEDEAO, requièrent l’option militaire pour déloger Gbagbo.

2011 : l’option miliaire se met peu à peu en place. la rébellion est fortement appuyée (pour rester modéré) par la force française Licorne et par l'Onuci, qui finissent par défaire les forces régulières ivoiriennes et par renverser le Président Gbagbo. Cela au prix de très nombreuses victimes civiles des bombardements, et au prix d'une multiplication d’exactions des rebelles, tortures, viols, meurtres, jusqu’à ce qui s’apparente, pour de nombreux observateurs (dont le CIRC et Caritas), à une épuration ethnique (expression utilisée par Le Nouvel Obs).

3 commentaires:

  1. Bon résumé, delugio, du déroulement de cet épisode de l'histoire de la Côte d'Ivoire.
    J'aimerais en savoir un peu plus sur les pressions qui ont poussé Gbagbo à aller aux élections alors que le désarmement des rebelles n'avait pas eu lieu. Et donc que les jeux étaient pipés dès le départ.
    Cette énigme me travaille jour et nuit.
    Quelques élements d'explication me traversent bien la tête mais je reste toujours sur ma faim.
    Jusqu'au départ de Chirac du pouvoir, Gbagbo avait toujours résisté. Après il a baissé la garde avec les propos du genre : «Chirac parti, je peux dormir tranquille» c-à-d qu'il accordait une certaine confiance à Sarkozy. Erreur, car ce dernier est beaucoup plus vicieux.
    Puis il y a ces sondages qui rendaient Gbagbo si sûr de lui.

    Et puis ces rumeurs de coups d'Etat dont parle Maître Patricia Hamza-Attéa qui rendaient l'entourage de Gbagbo nerveux...

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  2. Le piège des sondages, je n'y crois pas trop : les sondages étaient assez justes, donnant finalement quelque chose de proche du résultat validé par le conseil constitutionnel.
    Le côté vicieux du fonctionnement de Sarkozy, doublé de la menace de coup d'Etat me semble plus probant...
    On ne sait sans doute toujours pas le fin mot. Le pouvoir de pression semble de toute façon considérable. On en a peut-être une illustration avec le revirement de Zuma ces derniers mois.

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  3. A propos des sondages, je ne me suis pas expliqué suffisamment. J'ai voulu dire que dès le moment où les médias les plus anti-Gbagbo martelaient que Gbagbo ne voulait décidément pas aller aux élections alors que les sondages le donnaient gagnant et donc qu'il n'avait pas grand-chose à craindre. Cela l'a peut-être, entre autres, poussé à relever le défi en toute confiance tout en sachant bien que le non-désarmement des rebelles faussait le jeu.

    Je me perds en conjectures.
    Je suis abattu que tout cela se termine ainsi, avec des milliers de morts, une économie par terre, un pays déstabilisé.
    Je suivais l'expérience de Gbagbo avec beaucoup d'attention. C'était, pour moi et certainement aussi pour les Africains panafricanistes, une sorte de laboratoire pour les autres pays francophones d'Afrique. Son succès aurait constitué un salutaire exemple de libération du joug de la Françafrique.
    Je suis persuadé que les pays africains dits francophones ne s'en sortiront jamais tant qu'il y aura la mainmise de la Françafrique.
    Merci delugio pour ton blog, il m'est d'une grande utilité.

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