"Oh, si tu t'en vas, je suis à bout moi aussi !" dit l'homme aux mains nouées.
"Et à l'ouest, c'est bien gentil à l'ouest, mais à l'ouest toute, on tombe ! Car à bout d'ouest, à la fin de la mer de la mer de... toute façon, y a rien ! À l'ouest je te plumerai, pas plus.
Alors, laisse la caravane aboyer... Elle ne sait pas, caravane de broc, qu'à la fin de la mer de la mer de... la cabane au fond du jardin tombent les bricks triangulaires.
Qu'est-ce qu'elle peut en savoir, caravane qui aboie pour n'avoir pas les mains assez nouées pour que sa voix se noue ?
Peut-elle savoir qu'à la fin de la mer de la mer de... l'abîme, il n'y a que l'abîme justement, peut-elle savoir qu'il n'y a là pas d'autre concurrence que celle des cris désarticulés, qui ne font que se mêler, comme hurlement d'une même sirène silencieuse ?
Mais à bout d'ouest, il faut pourtant parler et dire en laissant bourdonner. Il n'y a même pas à moucher les mouches qui bourdonnent là où s'arrête la mer de la mer de... qui tombe... Tombe où tomberont aussi mes mains nouées que tes mots dénouent pour un instant", dit l'homme aux mains nouées.
Aqmi pouvait-il rêver mieux ? Un groupe délinquant, une bande armée s’autocollant l’étiquette ‘prestigieuse’ (sic) d’Al Qaïda (au ‘Maghreb islamique’). Il est vrai que ça fait ronflant. Il est plus vrai encore que le l’islam est malade. Signe s’il en fallait, le silence général des musulmans ‘modérés’ face à de telles dérives. http://www.nuitdorient.com/n2311.htm / via et aussi.
Difficile à analyser, ce silence. Signe d’un islam malade, indubitablement. Écho d’une paranoïa qui va jusqu’à hésiter entre exalter un Ben Laden et lui trouver des excuses, voire le disculper d’attentats qu’il a revendiqués ! (Ibid.)
Maladie d’une profondeur telle qu’elle plonge dans le mutisme ceux-là mêmes qui sont évidemment contre ce genre de délire, dont la première victime est l’islam lui-même ! Comment en effet des gens rationnels, en opposition indiscutable à ces gesticulations sanglantes, peuvent-il manœuvrer face à une base populaire largement contaminée, hélas, par cette paranoïa qui conduit au silence même de ceux qui savent. Pour s’en tenir à une illustration en France, la mise à l’écart croissante d’un Abdenour Bidar offre une explication de la réduction de la marge de manœuvre d’un Dalil Boubakeur : une expression trop vive risquerait de le placer dans un discrédit façon Bidar ! Et rendrait son action vaine par la même occasion... Ce n’est qu’un petit élément de la mesure de l’impasse.
Où les silences, quels que soient leurs motifs, témoignent de toute façon, fût-ce malgré eux, d’un état clinique de l’islam d’une extrême gravité. Le symptôme éclatant de la maladie étant Al Qaïda et son mythe.
Le groupe ayant enlevé les employés d’Aréva au Niger signe en outre l’état de décomposition de la nébuleuse elle-même, d’autant plus dangereuse qu’elle est plus incontrôlable et qu’elle devient ‘label’ même de phénomènes de racket.
Et face à cela, un malaise persistant autour d’Aréva... Dont use évidemment la bande organisée des désespérés se donnant ce ‘label’ ‘politique’ : Aqmi !...
Aréva, ou les pieds et poings liés de la France... Quand cela s’ajoute à quelques décennies d’interventions visant à appuyer les bons élèves et/ou à soutenir des rébellions contre ceux des dirigeants qui font mine de ruer dans les brancards...
Si en outre on rajoute encore au tout la récente désignation en proie (tant qu'à employer un vocabulaire évoquant les 'bûchers' !), à Paris, des ‘Sahéliens’, dont sont les Nigériens...
... On se retrouve avec une situation qui n’est pas faite pour donner à Paris une marge de manœuvre bien large face aux ‘exploits’ d’Aqmi...
Tout cela a commencé par les ‘indépendances’ dont on fête les cinquantenaires...
Citations :
« L’uranium nigérien est d’abord une exclusivité signée par la France, le 24 avril 1961, sous forme d’un accord de défense entre la métropole, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Niger. […] Par cet accord, la France qui venait d’accorder leurs indépendances à ces trois pays s’arrogeait le droit de poursuivre l’œuvre coloniale, à savoir l’exploitation des ressources minières à un prix arbitraire. […] Le Niger a produit entre 100 000 et 150 000 tonnes depuis 1960 au prix moyen de 42 euros le kilo . Nettement en dessous du cours mondial moyen qui était de 187 euros le kilo sur la période […] depuis l’indépendance… les actionnaires de l’uranium du Niger (ndlr : Etat et partenaires) ont perdu entre 14, 5 milliards d’euros et 21 milliards de dollars. Enorme pour un pays qui compte à peine 2 milliards de dollars de PIB et dont le modeste budget est «généreusement » alimenté par l’aide publique au développement pour plus de la moitié.(via) » http://afrosapiens.akwedo.com/post/376430094/quelques-extraits-du-scenario-a-decouvrir-sur
Ce qui correspond à l’...
« “… Annexe à l’accord de Défense entre la République de Côte d’Ivoire, la République du Dahomey, la République Française et la République du Niger concernant la coopération dans le domaine des matières premières et produits stratégiques. Afin de garantir leurs intérêts mutuels(NDLR : sic!!!)en matière de Défense, les parties contractantes décident de coopérer dans le domaine des matériaux de Défense dans les conditions définies ci-après:
Article 1 : Les matières premières et produits classés stratégiques comprennent: - Première catégorie : les hydrocarbures liquides ou gazeux ; - Deuxième catégorie : l’uranium, le thorium, le lithium, le béryllium, leurs minerais et composés. Cette liste pourra être modifiée d’un commun accord, compte tenu des circonstances…
Article 5 : La République Française est tenue informée des programmes et projets concernant l’exportation hors du territoire de la République de Côte d’Ivoire, de la République du Dahomey et de la République du Niger des matières premières et des produits stratégiques de deuxième catégorie énumérés à l’article premier. En ce qui concerne ces mêmes matières et produits, la République de Côte d’Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger, pour les besoins de la Défense, réservent par priorité leur vente à la République Française après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure, et s’approvisionnent par priorité auprès d’elle…”
« “…quand les Français ont répondu « impossible ! » à la demande des Nigériens de construire une raffinerie, les Chinois, eux, ont plutôt demandé « de quelle taille la voulez-vous ? ” via »
« Procès médiéval », « bûcher », « brûlement en place de Grève »... Voilà des mots qui, s'ils avaient pu être dotés d'un copyright, auraient enrichi leur auteur premier ! Mercredi soir (29.09.10) lors de l'émission de Frédéric Taddéi « Ce soir (ou jamais !) », ils étaient ceux du député Éric Raoult et de la représentante du Haut Conseil à l’intégration Malika Sorel, s'en prenant à ceux des lecteurs que n'a pas enthousiasmés le dernier livre à la mode, c'est-à-dire « briseur de tabous », puisque telle est désormais la mode...
Car en matière de « brisement de tabous » c'est reparti pour un tour avec le livre récent du sociologue Hugues Lagrange “Le Déni des cultures”, annoncé à grands renforts de présentations par les journaux télévisés. Lui aussi, donc, à son tour, « briserait un tabou ».
Le livre faisait donc l'objet du débat de mercredi soir dans « Ce soir (ou jamais !) ». L'auteur était invité à présenter (longuement) sa thèse en présence de deux soutiens, Malika Sorel, nommée par le Président de la République au Haut Conseil à l’intégration, et Éric Raoult, député UMP ; et face à trois interlocuteurs sceptiques, la romancière Fatou Diome, l'anthropologue Jean-Loup Amselle et le sociologue Éric Fassin.
Ce qu'a révélé le débat sur le fond, à travers la forme, c'est la nature du « tabou » « brisé », quelle que soit l'argumentation sociologique du livre : puisque, selon le livre, la « culture » qui pose le plus problème est la sahélienne, on pourra plus librement... être vigilant sur la « communauté » en question, les « Sahéliens » (après les Roms). Et, allant un peu plus loin, puisque rien ne distingue les « Sahéliens », aux yeux de tout un chacun, que leur taux de mélanine, on pourra plus librement soupçonner les « noirs », Africains, Antillais, ou autres, jusqu'à vérification généalogique qu'ils sont bien d'origine sahélienne ou qu'ils ne le sont pas — avec donc, autre effet secondaire qui se profile au gré du « tabou brisé » : donner en cible les « Sahéliens » à la suspicion des autres « noirs ». Tout cela sans difficulté morale puisque, comme s'en est vivement récrié l'auteur du livre « briseur de tabou », il ne s'agit pas (au grand jamais !) de génétique, mais de « culture », ce qui rend, aux yeux de toutes ces bonnes âmes « briseuses de tabous », incompréhensible la remarque adressée par Fatou Diome à Malika Sorel quant à la stigmatisation par le taux de mélanine. Problème qui semble avoir totalement échappé à la représentante du Haut Conseil à l'intégration...
Quant à la forme du débat qui dévoilait cela par la bande, à l'insu du bon gré des défenseurs du livre, tout a commencé par des arguments de part et d'autre dans un premier temps d'une discussion dont la tension retenue était pourtant très perceptible. Premier accroc, lorsque, l'auteur affirmant qu'Éric Fassin avait écrit un premier article sur son livre avant de l'avoir lu, Éric Fassin croit pouvoir faire remarquer que si, il l'avait lu, — ce qui lui vaut la répartie agacée et classique en matière de tentative de déstabilisation : « je ne vous ai pas interrompu, etc. ».
Ce qui n'empêchera pas l'auteur qui n'interrompt pas de se voir rappelé à plusieurs reprises à la courtoisie quand il coupe intempestivement et de façon renouvelée Fatou Diome, dont les arguments, manifestement, le troublent... Il finit par s'excuser. Dont acte...
Et puisque Fatou Diome a eu le malheur de référer au niveau social, à la classe sociale, comme explication à ses yeux plus probante, quant au nombre des petits délits, que la « culture », on a eu droit à l'entrée en lice d'un Éric Raoult impatient et égal à lui-même, référant pour le coup carrément à ce qui aurait été une évocation de la « lutte des classes » (sic) (qu'il attribue d'ailleurs à Amsellem !), avant qu'il n'aille jusqu'à renvoyer Cuba à son interlocutrice !!! Cela non sans l'avoir d'entrée sommée de s'expliquer : « pourquoi vous êtes agressive ? » (Agressive ? Ah bon !, je n'avais pas remarqué !) (Autre classique en matière de tentative de déstabilisation) ! Cela avant de lui opposer Dakar et Abidjan (sic) ! Et j'en passe... Tant de mauvaise foi, empêchant manifestement de l'entendre, la conduira jusqu'aux larmes...
Malika Sorel, qui a déjà parlé de « procès digne du Moyen Âge » (sic) qui serait intenté à l'auteur du livre « briseur de tabou », enfonce le clou, mettant au défi de trouver un pays d'Afrique recevant plus d'immigrés que la France — elle semble ignorer qu'un pays d'Afrique comme la Côte d'Ivoire a un taux immigration 3 à 4 fois supérieur à celui de la France...
Entre temps, lorsque Fatou Diome demande à Éric Raoult pourquoi il ne s'adresse qu'à elle, elle a droit à cette réponse : « parce que vous êtes la, euh... devant moi » ! Et le député de se tourner alors ostensiblement vers F. Taddéi — est qui aussi « devant lui » (pour lui attribuer la paternité du livre de Lagrange !), avant plus tard de s'adresser à nouveau Fatou Diome comme à « mon invitée » (sic), avant de se corriger pour donner du « notre invitée » ! (re-sic)... Éric Raoult qui — ça ne pouvait rater — n'a pas manqué de déclarer solennellement que le « briseur de tabou » présent pour la promotion de son livre (déjà vendu à je ne sais plus combien de milliers d'exemplaires) serait près du « brûlement en place de Grève » !
Inévitable ! Voilà donc un nouveau « lynché » qui commence à courir les plateaux télé, précédé comme toujours de la même réputation, de la même thématique, largement réfutée au cours du débat, thématique posée d'entrée : « il brise un tabou ».
Rejoignant les nombreux briseurs de tabou qui ressemblent à autant d'enfonceurs de portes ouvertes dénonçant un « politiquement correct » tellement à l'ordre du jour qu'il suffit de se dire contre pour faire l'unanimité pour soi, qu'il suffit d'en accuser un adversaire pour le voir monter sur ses grands chevaux face à une telle dénonciation !
Le « brisement » en question à présent est celui qui a servi depuis des décennies la montée de l'extrême droite, et depuis quelques années le « siphonnage » de ses voix par une droite qui le clame fièrement. Voilà qui tombe à pic à l'heure où les députés discutent du projet de loi Besson sur l’immigration.
On continue donc à briser le même « tabou » (ou ses miettes, s'il en reste), sous les applaudissements généraux et courageux d'un public qui évite ainsi au martyr potentiel le « bûcher », le « brûlement en place de Grève » où risquerait de le mener chaque interrogation sur la pertinence de son propos... « Bûcher » ! Serait-il malvenu qu'on en vienne à mesurer ses termes ?
La ficelle « brisement de tabous », elle, semble n'être toujours pas assez grosse, jusqu'à ce que...
King Crimson/ProjeKct Two: Is There Life On Zarg?
/ Diehl Gösta, peintre finlandais
L'Édit de Nantes prône le silence, la loi Taubira ouvre à la parole.
L'Édit de Nantes est probablement judicieux, l'histoire l'a montré, dans le contexte d'un immédiat après-guerre, l'immédiat après-guerres de religion — comme le sera d'une autre façon le mythe de De Gaulle sur la France unanimement résistante ; comme aussi l'accord inter-Ivoiriens de Ouagadougou, voire comme la loi Schoelcher.
L'Édit de Nantes se présente comme l'option inverse à celle de l'ouverture sur la recherche : il stipule expressément que l'on devra taire les faits ("n'en point faire mention")...
En 2001, non plus sur les guerres de religion mais sur la mémoire de l’esclavage, la loi Taubira, à l'opposé, reconnait qu'il est temps d'ouvrir les archives (plus de 150 ans après l'abolition de l'esclavage !). Cela a déjà commencé et a déjà eu des effets heureux (le débat historien est incontestablement lancé comme il ne l'avait jamais été, de manière ouverte au grand public).
Il est peut-être un temps pour le silence préconisé par l'Édit de Nantes quand les blessures sont vives, il est de toute façon aussi un temps pour parler quand les blessures risquent d'éclater à force d'être tues.
La représentation parlementaire française des deux chambres votant à l'unanimité la loi Taubira l'a fort bien compris. Mais il était inévitable, au-delà d'une recherche apaisée, qu'il y ait tôt au tard des attaques violentes contre l'ouverture d'archives qui portent atteinte à un mythe national qui s'est bâtit sur le silence antécédent. Tout comme la fin du mythe d'après la dernière guerre a suscité des retours d'antisémitisme — allant du comptage des juifs dans les médias au négationnisme de la Shoah et passant par des profanations de tombes ou des remarques... de "détail"...
En 2001, et suite aux commémorations de 1998, il semblait être temps de libérer la parole et d'encourager à ouvrir les archives concernant l'esclavage et la traite, en commençant par donner acte aux abolitionnistes du XIXe siècle d'avoir parlé de "crime contre l'humanité", sans que ce soit toujours sous le terme précis, mais plutôt sous ceux de "crime contre les Droits de l'Homme", "crime contre l'Homme", "injure contre l'Humanité", etc. Une citation de Victor Schoelcher : "Disons-nous et disons à nos enfants que tant qu’il restera un esclave sur la surface de la Terre, l’asservissement de cet homme est une injure permanente faite à la race humaine toute entière". On est dans une pré-définition précise de ce qui sera défini comme crime contre l'humanité : "injure permanente faite à la race humaine toute entière".
La loi votée en 2001 n'a pas manqué de susciter des réactions passionnées :
- Réactions faisant fi des travaux parlementaires qui ont déjà répondu à de supposées objections constitutionnelles invoquant les art. 34 et 37 de la constitution qui auraient échappé à la représentation nationale des deux chambres unanimes ! Or ces objections ont été réfutées à l'avance lors de la discussion de la loi, y compris par des députés de droite : "Le Gouvernement, qui, en application de l'article 41 de la Constitution, est le seul à pouvoir contester la présence d'une disposition d'ordre réglementaire dans un texte de loi, a lui-même reconnu au Sénat, par la voix de son secrétaire d'Etat à l'outre-mer, l'importance de ce devoir de mémoire et la nécessité de faire figurer ces évènements dans les manuels scolaires, trop longtemps muets sur cette question. A l'Assemblée nationale, M. Renaud Donnedieu de Vabres a eu une position similaire en affirmant qu'il « n'était pas possible de priver le Parlement de la possibilité d'exprimer ce souhait fort, quels que soient les contenus de l'article 34 et de l'article 37 »."
- Réactions évoquant l'anachronisme quant à l'usage de termes comme "crime contre l'humanité" déjà utilisés au temps de Schoelcher (parlant donc déjà pour sa part d'"injure permanente faite à la race humaine toute entière", etc.).
- Réactions demandant à la France de commémorer aussi la traite arabo-musulmane à laquelle elle n'a pas participé !, etc. C'est à ce point que P.-Grenouilleau a été mis à profit d'une façon explicitement anti-loi Taubira, via l'usage de son gros pamphlet, voulu anti-loi Taubira, et ayant été reçu comme tel (d'où des mises en cause parfois de même passionnées), et ayant été primé pour cette raison lors de la tentative de corriger la libération de la recherche par la loi Taubira en tentant d'indiquer aux historiens qu'il fallait trouver en la matière des "bienfaits" à la colonisation.
Voilà un livre et son auteur qui auraient fait l'objet, comme on l'a entendu, de "lynchage", "délit d'opinion" ou autres "procès en sorcellerie"... Quand en fait, on le sait, il été primé ! On a trouvé mieux en matière de "lynchage" ! Autant de propos excessifs plus propres à ouvrir les boîtes de Pandore que, comme elle en a pourtant été accusée, la simple libération de la recherche après l'oubli que recommande la loi Taubira !
Étrange passion que ces réactions contre la réouverture de la recherche et contre une parole parlementaire unanime nommant ce qu'il en fut 150 ans après les faits !
L'article I de l'Édit de Nantes stipule "que la mémoire de toutes choses passées d'une part et d'autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu'à notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédents et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit".
Bref on n'enseignera pas ce qui vient de se produire en France en matière de massacres. Et quand on sait qu'Henri IV, qui signe l'édit en 1598, vient de la communauté protestante qui a subi le massacre de la saint Barthélemy en 1572, soit 26 ans avant, on reste à la fois admiratif et perplexe.
Cette voie, celle de l'oubli, est encore celle pour laquelle a opté la Côte d'Ivoire dans l'accord de Ouagadougou de 2007.
C'est peut-être l'option pour laquelle a opté de Gaulle au lendemain de la guerre de 1939-1945, bâtissant le mythe d'une France unanimement résistante. Même option peut-être d'une autre façon lors de la loi Schoelcher abolissant esclavage en 1848... et indemnisant les propriétaires d'esclaves pour la perte de leurs "bien meubles" (pour reprendre les termes du Code noir, émis sous le règne de Louis XIV la même année que l'Édit de Fontainebleau qui révoquait l'Édit de Nantes – 1685).
Une voie qui, dans la suite immédiate des blessures, et dans la nécessité de réconcilier un pays, s'avère, et s'est avérée fructueuse en matière de pacification.
Mais qu'en est-il quand les décennies et les siècles ont passé ? Aurait-il été raisonnable d'occulter les faits indéfiniment ? D'enjoindre instamment les historiens de limiter leur recherche au seuil de ce qui pourrait raviver ce qui a tant blessé ?
Depuis 1945, le temps est passé. On a réouvert les dossiers, sans trop de problèmes... Quoique ! La loi Taubira ne fait que proposer de rouvrir un dossier bien plus ancien, et quel tollé ! Voilà qui est troublant...
(Suite à un débat initié ici...) Le législateur n’a pas à se substituer aux historiens. Tout à fait d'accord. Mais cela n'atteint pas la loi Taubira. Au contraire elle ouvre le travail des historiens, sans lui donner d'indications a priori. Si la tentative de loi sur "les bienfaits de la colonisation" cherchait en effet à expliquer aux historiens ce qu’ils devaient trouver et enseigner, les autres lois "mémorielles", à commencer par la loi Taubira, et à finir par la loi Gayssot, elles, n'indiquent pas ce que les historiens doivent trouver : la loi Gayssot ne fait que rappeler le jugement du tribunal de Nuremberg et l’illégitimité de le contester, la loi Taubira ne fait que rappeler que le concept de crime contre l’humanité, concept juridique depuis Nuremberg, a été forgé précisément dans les combats anti-esclavagistes du XIXe siècle, et dire qu’en parler a sa place en histoire. Rien qui interfère avec le travail historien, rien d’autre que ce qui concerne le droit partagé (ce qui est bien le rôle d’une Assemblée législative). (Développement et suite ici.)
Alors on parle d'anachronisme, concernant la notion de "crime contre l'humanité" dans la loi Taubira. Parler d'anachronisme à ce propos quand cette notion de "crime contre l'humanité" est récurrente dans les textes anti-esclavagistes de l'époque de la loi Schoelcher (a fortiori sous des noms divers et pas encore fixés, par ex. "crime contre l'Homme") a tout de même quelque chose d'un peu... orienté.
Par ailleurs, on lui met en vis-à-vis les déportations arabo-musulmanes, arguant que "les Africains, par solidarité religieuse, se taisent", comme on l'entend-on parfois, en rajoutant au fait que les historiens arabes sont peu loquaces. Propos d'autant plus étrange qu'il est appuyé à l'occasion sur un livre comme "Le génocide voilé", écrit par un Africain musulman ! (Cf. ici sur ce sujet.) Cela sans compter le fait que la majorité des Africains sud-sahariens sont chrétiens, et que les mêmes qui dénoncent cette supposée "solidarité religieuse avec les musulmans" stigmatisent régulièrement ce que, pour l'Afrique, ils intitulent sans nuances ni hésitation "conflits ethno-religieux islamo-chrétiens". Une logique un peu sinueuse !
Se taisent ? Silence ? Quel silence ? (Apparemment ici, il s'agirait au contraire ne pas opter pour l'oubli !) Concernant cette "la solidarité religieuse", cette "aveugle solidarité musulmane", cette seule mention, fréquente, montre justement qu'il n'y a aucun silence, que ce soit sur cette "solidarité" ou sur la "traite". On est là tout bonnement face à la même confrontation aux faits, dans les mêmes termes que ceux que reprend l'argumentation et le débat qui ont mené à la loi Taubira. Oui, il y a une tendance à l'occultation, un déficit d'enseignement, aussi bien pour la traite musulmane que pour la traite atlantique, auxquels veulent remédier tant les recherches de Tidiane N'Diaye (et il y a d’autres chercheurs africains qui ont fait et font un travail considérable : j'ai souvent évoqué Harris Mémel Fôté ça et là dans mon blogging, par ex.), que les travaux ayant abouti à la loi Taubira - qui, étant une loi française, se limite à juste titre au problème français (ce n'est ni partial, ni partiel, c'est humble - et je soutiens que c'est tout à l’honneur de la France). S'attaquer aux abîmes de leur propre passé (plutôt qu'à ceux des autres) est de la responsabilité de chaque peuple souverain : il y a là une véritable solidarité nationale barrant au contraire la route aux solidarités "raciales" et autres concurrences des mémoires. Les parlementaires français de tout bord politique, unanimes à voter cette loi, étaient sans doute bien placés pour le savoir.
La loi Taubira comme la loi Gayssot, si elles sont bien lues, reprennent simplement les acquis juridiques posés antérieurement (Schoelcher et Nuremberg) et en tirent les conséquences pour notre temps. Elles ne limitent pas la recherche, si elles sont lues rigoureusement, contrairement à ce qu'aurait été une loi sur les bienfaits de la colonisation, ne parlant pas, par ex., d’enseignement des méfaits, mais des faits, objets de recherche.
Témoin de l'universalité concrète des principes de la Révolution : pensons que les théoriciens officiels des Droits universels abstraits avaient tant de peine à imaginer qu’ils pouvaient concerner les "non-blancs" et les femmes !
On n’a pas fini de mesurer l’apport de Toussaint Louverture... mort emprisonné au Fort de Joux dans le massif du Jura suite à la trahison du confiscateur de la Révolution, Napoléon, inscrivant la France dans l’apartheid !
Une confiscation comme il y en eu tant d'autres ! Contradiction entre les valeurs de la Révolution et une certaine idée de "l'identité française" qui en est la trahison...
Un siècle et demi plus tard : "La question des harkis pose à l'histoire enseignée une série d’interrogations qui tournent autour de la contradiction entre les valeurs de la République et la réalité coloniale et post coloniale. L'histoire singulière des harkis (leur place dans l'histoire de France, dans la colonie comme dans l'immigration) ne peut se réduire à une ou deux idées simples. Elle oblige d'une part à aborder dans toute sa complexité la guerre d'indépendance algérienne ; mais aussi à envisager la question de l'immigration des harkis et de l'accueil réservé par la France après guerre. Enfin, elle pose la question de l'identité française, entre indigénat et nationalité française, entre racisme et solidarité."http://www.histoire.ac-versailles.fr/IMG/pdf/La_question_des_Harkis.pdf
Contradiction entre les valeurs de la Révolution - à laquelle les harkis (on peut leur faire ce crédit !) ont cru - ; et une certaine idée de "l'identité française" qui en est la trahison - ce dont Frantz Fanon (des Antilles française, comme Louverture était de la Saint-Domingue française) prend acte, rejoignant le FLN - comme Toussaint Louverture, trahi, pose les bases de la Révolution en Haïti et les bases de son indépendance.
"L’indigène est un être parqué, l’apartheid n’est qu’une modalité de la compartimentation du monde colonial. La première chose que l’indigène apprend, c’est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites. C’est pourquoi les rêves de l’indigène sont des rêves musculaires, des rêves d’action, des rêves agressifs." (Frantz Fanon)
Il est des semences, qui, comme portées par un vent irrépressible, répandent au loin les idées qui n'ont pas pu germer dans la terre où elles avaient éclos quand on les a trahies.
La question est posée sur un blogs Nonobs : ici, plus précisément dans les commentaires qui suivent le post.
Je n'ai pas vu le débat qui suivait le film. Débat au cours duquel, selon un commentateur du post, la journaliste présentant l’émission, B. Schönberg, aurait fait le rapprochement entre Harkis et Roms. Rapprochement que ledit commentateur dénonce, de façon à peu près irréfutable.
"Un seul bémol, dit-il, quand à la fin la journaliste [...] a fait une allusion aux étrangers que les français devraient regarder différemment je pense qu'elle faisait allusion aux Roms... qui n'avaient rien a faire là dedans, les harkis ont combattu avec la France les Roms pas que je sache..." ('Nirep') - Quoique...
L’auteur du post rejoint tout-à-fait le commentateur, ajoutant une argumentation détaillée. L'incongruité du rapprochement semble bien confirmée, faits d’histoire à l'appui :
"Les gitans étrangers n'avaient rien à faire dans cette remémoration de notre histoire :Il s'agissait d'une flétrissure de notre honneur militaire alors que l'expulsion des roms est affaire de simple police."
Concernant "l'amalgame qu'aurait fait la journaliste [...] entre le sort de harkis abandonnés [...] et celui ménagé de nos jours par la France aux étrangers [...] je ne vois aucun lien possible ne serait-ce qu'eu égard aux circonstances. La distance est encore plus grande si l'on suggère les Roms : Il s'agit d'une communauté de gens dont leur pays d'origine profite des statuts de l'Union Européenne pour s'en débarrasser, en ayant accessoirement piqué 20 Milliards à ses 'partenaires' censément pour aider ces populations défavorisées [...]
"Pour ce qui concerne les harkis, il y eut dans ces corps combattants pour la France, c'est connu, de tout comme sociétés, depuis les fidèles soldats qui ont cru à notre république et à un devenir réellement français dès lors qu'ils s'engageaient à fond à 'nos côtés'... jusqu'au fels retournés : prisonniers [qui] avaient 'parlé' et étaient dès lors repérés par la population à laquelle on les exposait ostensiblement et donc condamnés par leurs anciens complices.
En tout état de cause, ces gens ont servi sous notre drapeau et depuis que l'esprit belliqueux et agressif de l'homme s'est étayé de principes cohésifs, celui qui est resté fidèle à une cause, de gré ou de force, doit avoir droit à la protection de son camp : Les harkis ont été lâchement abandonnés." ('Marius')
Irréfutable sous l’angle abordé. Rien à voir entre les Roms et les Harkis. Toutefois - car me semble-t-il, il y a un toutefois, un toutefois qui se présente sous forme de classification, disons "ethnique"...
"Les pouvoirs publics [les] considèrent comme un groupe inadaptable qui serait une charge pour la société française". Un "groupe". De quel "groupe" s'agit-il ? D'un "groupe" de combattants "supplétifs", les Harkis abandonnés ou relégués dans des camps de regroupement ?
"Il revient [...] dans chaque département, aux préfets d'engager [...] une démarche systématique de démantèlement des camps illicites, en priorité ceux de Roms", précise un circulaire désormais fameuse d'août 2010 qui vise les Roms à plusieurs reprises nommément. Ici ce ne sont certes pas les anciens combattants du camp de la République française, c'est un autre "groupe". C'est là le point commun. Admettons le seul, mais il n'est pas négligeable...
C'est cela précisément qui a arrêté la commissaire européenne : "Dans notre Union européenne, aucun citoyen ne doit devenir la cible de l'action répressive seulement parce qu'il appartient à une minorité ethnique ou à une certaine nationalité".
Problème qu'a très bien perçu le ministre français de l'Intérieur, puisque c'est ce point précis que corrige la nouvelle rédaction, ministérielle, de la circulaire : cette nouvelle version plus courte, précise, au lieu de "Roms", "quels qu'en soient les occupants".
Or dans les années 1960, c'est le même type de considérations ethniques qui a fait obstacle au rapatriement de nombre de Harkis, et qui donc n'est pas sans rapport avec leur abandon aux massacres qu'ils ont subis, et c'est encore le même type de considérations ethniques qui a fait obstacle à l'intégration dans leur pays de ceux qui ont été rapatriés (bref, ils restaient des 'Arabes'). Le "groupe" "inadaptable" mentionné ci-dessus, c'était les Harkis, victimes, malgré leur passé au service de la République de leur statut de "groupe" :
"Les pouvoirs publics considèrent les Harkis comme un groupe inadaptable qui serait une charge pour la société française, un problème supplémentaire pour le secrétaire d'État chargé des rapatriés. Louis Joxe, ministre d'État chargé des affaires algériennes, prend alors des mesures pour dissuader les rapatriements. Le 12 mai 1962, il envoie un télégramme dans lequel il annonce un renvoi de tous les 'supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement'. Le 19, il demande aux préfets de s’opposer à toute installation de harkis qui n’aurait pas été planifiée. Malgré ces limites, 10 000 personnes seront rapatriées (harkis et leur famille).
"L’installation en France est difficile. Certains préfets refusent d’accueillir des harkis dans leur département. Les Harkis sont victimes de nombreux préjugés, ils sont suspects. Le travailleur catalan titre d’ailleurs le 13 octobre 1962 : 'Rivesaltes aura-t-il une municipalité harkie ?' et plus tard 'Que compte faire le conseil municipal pour nous débarrasser des Harkis ?'. Les pouvoirs publics interdisent certains départements (Seine et Oise, Seine, Bouches du Rhône) car il y a déjà de nombreux pieds-noirs."
Alors bien sûr, les choses sont par ailleurs radicalement différentes dans une situation et dans l'autre, comme le soulignent les commentaires cités ci-dessus, mais la coïncidence de l'actualité et du film de France3 ne laisse t’interpeller sur ce fait précis et sur la nécessité toujours actuelle de ne considérer personne comme étant d'abord un spécimen interchangeable d'un "groupe", groupe nommé parfois, au temps des Harkis, au singulier (on parle de l''Arabe', le 'Harki', etc.).
Or la réalité est qu'il n'y a que des individus, ce qui n'est pas un scoop, puisque cette réalité, admise, est au fondement de tout universalisme, notamment républicain...