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Tant que les lions n'auront pas d'historiens, les histoires de chasse tourneront à la gloire du chasseur - Le mensonge se lève très tôt mais la vérité finit par le rattraper - Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage

vendredi 5 novembre 2010

Second tour en Côte d'Ivoire - atouts et enjeux

Les observateurs et autres « spécialistes » hexagonaux se sont donc trompés pour avoir fait de leur grille de lecture ethnique la clef de l’élection ivoirienne. L’ethniquement minoritaire Gbagbo en ferait forcément les frais dans l’isoloir. Et voilà qu’il arrive largement en tête... (Cf. l'analyse de Djignab)

Cela à l’appui d’un programme social qui n’a pourtant pas pu être réalisé du fait de la guerre qui lui a été imposée et du coup d’État raté de 2002. Exit donc, pour l’instant, l’assurance maladie universelle, exit l’école laïque gratuite, annoncés par Gbagbo. Le paradoxe est que c’est à lui qu’on le reproche, puisqu'on lui reproche la guerre qui lui a été imposée, comme on lui a reproché l’impossibilité d’organiser jusque là les élections dans un pays dont la moitié était privée d’infrastructures étatiques et préfectorales !

Le message répété à l'envi n’est pourtant pas suffisamment passé : Gbagbo arrive en tête, suite à un vote qui déborde largement les recoupages ethniques annoncés... (Voir aussi les précisions apportées par Afrosapiens en commentaires ici.)

Sauf pour le leader du RDR, très populaire dans son « fief » ethnique.

« Une popularité qui, hélas, constitue également son tendon d’Achille, analyse Félix D.Bony dans L’Inter. Le président du RDR ne draine de la foule, écrit-il, que parmi les ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire. La cartographie politique nationale le confine dans le Nord et les localités peuplées par les ressortissants de cette partie du pays. Cette popularité clanique peut lui causer préjudice. Son électorat captif limite ses chances de succès. Les autres peuples, se réservant à lui porter leurs voix. [...] Compter sur les suffrages du PDCI, du MFA ou de l’UDPCI peut jouer un vilain tour à Alassane Ouattara. Le leader du RDR part très handicapé par son accaparement par les populations du Nord, mais aussi par des passifs qu’on lui attribue. Notamment le coup d’Etat contre le régime du PDCI en 1999 et la rébellion du 19 septembre 2002, dont il est présenté comme le parrain par ses adversaires. [...] C’est un secret de polichinelle, la chute du président du PDCI au premier tour relève en partie de son alliance avec le leader du RDR. [...] Combien à l’intérieur du parti ne murmurent-il pas jusque-là leur désapprobation de ce compromis politique qu’est le RHDP, une alliance que d’aucun qualifie de dupes ? »

Pour qui ne se voile pas la face, l’enjeu politique est limpide. Face à Ouattara, un vote transethnique, forcément transethnique, le vote Gbagbo, ancrant la renaissance citoyenne et la souveraineté nationale qui seule permet de faire front aux intérêts des grands groupes qui ont mis le pays en coupe réglée, en jouant des divisions ethniques.

Les replis ethniques sont le pendant exact des dominations des grands groupes dont les intérêts font barrage à tout progrès social. (Cf. Djignab)

Le FMI a dû reconnaître lors de la crise financière internationale de 2008, et lors des émeutes de la faim, que le choix de ses cadres dans les années 1990 avait été une catastrophe pour l’Afrique. C’est l’époque où Ouattara travaille pour le FMI, c’est l’époque où il deviendra Premier ministre de Côte d’Ivoire, y faisant appliquer la stratégie ruineuse pour les peuples (mais pas pour les groupes qui se partagent le monde) des Plans d’ajustement structurel, avec privatisation de l’économie ivoirienne en faveur des groupes français privés comme Bouygues et Bolloré, voire nationalisés comme France télécom. On est alors dans les années 1990.

On sait où ça a conduit : à des catastrophes économiques comme l’ont reconnu les dirigeants actuels du FMI en 2008. C’est pourtant ce choix politique qui guide le leader du RDR, qui, sitôt positionné au deuxième tour, est parti en visite chez Wade, un des pontes de la Françafrique — comme l’a constaté l’ancien ambassadeur de France au Sénégal Jean-Christophe Rufin, qui y a fondé la raison de sa démission : il avait accepté ce poste en croyant à la fin de la Françafrique, dit-il. Ambassadeur au pays de Wade, il lui a fallu déchanter !

Et comme il se doit — selon l’adage « diviser pour régner », cette façon de « mondialisation », celle du maintien des monopoles financiers, s’accompagne forcément du refus de toute vision transethnique du monde, et donc de toute nation souveraine.

Voilà qui pourrait expliquer pourquoi la presse française (en grande partie aux mains des mêmes groupes), une presse blessée en outre d’avoir été confondue par les Ivoiriens, a (re)commencé la campagne de Ouattara sur le même thème de la division ethnique sur laquelle est basée son emprise électorale. Le second tour de la présidentielle pourrait montrer que la ficelle devenue un peu trop visible à force d’être réutilisée, a fini par s’user.

Ce sera sans doute l’enjeu significatif du vote transethnique en faveur de Gbagbo.

1 commentaire:

  1. Fort de sa prophétie lancée des fermeture des bureaux de vote sur un second tour Gbagbo-Outtara, Hugeux, poursuit dans la voie "prophétique" (non sans un règlement de compte au passage contre les "prophètes" moins chanceux que lui) et tente de nous (re-) fourguer la théorie ethnique : "L'examen des performances respectives des trois ténors de la scène ivoirienne accrédite le diagnostic des experts de la géographie électorale" écrit-il aujourd’hui : "chacun reste maître chez soi - Alassane Ouattara chez les musulmans dioulas du Nord, Henri Konan Bédié dans les bastions akan" (ce qui, concernant Outtara reste vrai). Pour Gbagbo, il concède un "dans une moindre mesure", tout en l'incluant quand même dans la même logique : maître "en pays bété". Sachant la réalité très minoritaire des Bétés, l'explication est plus que faible. Ce que, sans lâcher sa théorie, il est bien obligé d'expliquer : "l'urbanisation et le brassage qui l'accompagne tendent à estomper les lignes de failles ethniques dans les villes, notamment à Abidjan (30% des inscrits)." Mais admettre "le progrès de l’idée de citoyenneté au sein du corps social" (selon les termes de Djignab) voilà qui semble être trop lui demander concernant l'Afrique !

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