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Tant que les lions n'auront pas d'historiens, les histoires de chasse tourneront à la gloire du chasseur - Le mensonge se lève très tôt mais la vérité finit par le rattraper - Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage

mardi 26 octobre 2010

Défendre Frêche...

La mise en regard de deux déclarations sur les bleus « blacks », celle de Georges Frêche et celle faite un an avant par Alain Finkielkraut, appelle quelques questions...

Georges Frêche, novembre 2006 : « Dans cette équipe, il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre, ce serait le reflet de la société. Mais, là, s’il y en a autant, c'est parce que les blancs sont nuls. J’ai honte pour ce pays. Bientôt, il y aura onze blacks. Quand je vois certaines équipes de foot, ça me fait de la peine ».

Alain Finkielkraut, novembre 2005 : « Les gens disent que l'équipe nationale française est admirée par tous parce qu'elle est black-blanc-beur. En fait, l'équipe de France est aujourd'hui black-black-black, ce qui provoque des ricanements dans toute l'Europe. »



La déclaration de Frêche semble bien inspirée de celle de Finkielkraut : dans les deux cas trop de « blacks » — même terme ; dans les deux cas honte pour la France.

Mais le parallèle s’arrête là. Le propos de Frêche semble bien plus subtil, plus ambigu, plus difficile à interpréter. À bien y regarder, il peut même sembler nuancer celui de Finkielkraut.

Au premier regard, ce qu’il y ajoute — le problème c’est essentiellement les « blacks » et leur nombre pour Finkielkraut, c’est aussi les « blancs » et leur faible nombre pour Frêche — semble revenir au même : ce qui fait problème de toute façon c’est la couleur de l’épiderme, la classification des Français en regard de la pigmentation de leur peau. Que ce soit les « blacks » seuls qui soient mis en cause pour être trop nombreux parmi les bleus, ou aussi les « blancs » qui sont « nuls », on semble aux prises avec le même problème pigmentaire !

Mais, à y regarder d’encore plus près, les choses peuvent se nuancer encore — et Frêche, me semble-t-il, a aussi plaidé cela.

Ce qui fait « honte », en regard d’autres équipes ou nations et apparemment les autres nations européennes (second point commun avec la déclaration précédente de Finkielkraut parlant de « ricanements ») est en effet nettement plus sujet à débat chez Frêche.

La meilleure qualité technique des « blacks » au foot peut être mise en rapport, comme sous-entendu chez Frêche, avec le fait qu’ils n’ont souvent accès qu’à ce domaine (ou à celui du show-biz). Bref, ce qui peut faire honte en l’occurrence, même si le propos reste douteux, ce n’est pas la « couleur » des joueurs de l’équipe nationale de foot, mais le fait que contrairement à d’autres pays (il ne les nomme pas), la plupart des autres portes sont fermées aux « blacks », d’où leur forte présence dans ce domaine-là.



L’interprétation de la « nullité » des « blancs » devient alors éventuellement plus complexe, en lien avec le fait qu’il n’y a pour eux pas à combattre autant pour faire leurs preuves dans un des seuls domaines ouverts aux « minorités visibles », genre sport ou show-biz, et dès lors, ils peuvent à terme, moins y briller.

Auquel cas, la sortie de Frêche, qui semble bien inspirée de celle de Finkielkraut, aurait aussi pour sens de racheter, tout en l’assumant, la formule du philosophe, de lui donner, pour l’assumer (ce qui reste certes bien ambigu), une connotation différente, une connotation tendant à dénoncer une société à deux vitesses, incapable d’assurer autre chose à ses « minorités visibles » que les domaines où il va falloir se battre pour devancer ceux qui ont pris l’habitude de recevoir ce qui ressemble à des dus — que dès lors ils acquièrent de moins en moins ! Bref, il y aurait, confusément, une part maladroite de dénonciation de la promotion au faciès dans la saillie de Frêche...

En d’autres termes, on serait devant une dénonciation d’une des tares de notre société. Or c’est aussi un des combats que revendiquait Frêche !

Hypothèse tirée par les cheveux ? Peut-être, mais qui rejoint d’autres propos de Frêche dont la dénonciation a été évidemment calomnieuse, notamment celle sur les harkis, où il n’applique en aucun cas la formule — pour le moins malheureuse (et il l’a reconnu) — de sous-hommes aux harkis, mais au contraire à ceux qui à ses yeux les trahissent en s’alliant aux héritiers de ceux qui ont trahi et abandonné les harkis lors de la guerre d’Algérie !

Or dans les deux cas, on est tombé à bras raccourcis sur Frêche : dans le cas des harkis, pour ce qu’il n’avait évidemment pas voulu dire ! Dans le cas des « blacks », il est resté la cible d’un propos ambigu — pour le moins ! —, là où on a oublié médiatiquement l’auteur premier de la formule, et qui lui était beaucoup moins sujet à interprétation, tant c’était clair : Finkielkraut. Voilà qui renforce la thèse d’un règlement de comptes politique dont Frêche aurait joué et abusé.



Et voilà qui fait de lui le bouc émissaire facile d’un type de comportement beaucoup plus habituel qu’on ne le veut (cf. le récent, et plus grave, plus clair, cas Guerlain) : comportement et propos redoutables relevant d’un inconscient collectif qui parle par ceux qui se laissent un tant soit peu aller. À preuve son dernier « dérapage » pour reprendre ce terme éloquent, à propos de Fabius, un de ses ennemis politiques au PS. Si la « tronche » de Fabius n’est, pour Frêche, « pas très catholique », c’est pour cette raison seulement (inimitié politique), et évidemment pas pour des raisons religieuses, pourtant à l’origine d’une formule populaire qui, elle, a parlé la gouaille Frêche de façon malheureuse !

Ce qui fait qu’au fond, Frêche serait, quant à ses « dérapages », la chambre d’écho plus ou moins volontaire d’un parler d’inconscient collectif — mais, chez Frêche, invitant à sa propre correction, à son propre dévoilement. Au jour où il n’a plus ses saillies de bistro pour se défendre, qu’on le laisse donc reposer en paix !

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