"L’option de la guerre contre le régime Gbagbo aura-t-elle été finalement contre-performante?
Quand on examine rétrospectivement les choses, on a des raisons de se demander si la «communauté internationale», emmenée par Sarkozy et Obama, a eu raison d’appuyer à mort sur le champignon de la guerre contre la Côte d’Ivoire pour débarquer Laurent Gbagbo."
Par Victory Toussaint, in San Finna, Hebdomadaire burkinabè, n° 599,
le 17 janvier 2011
le 17 janvier 2011
"En effet, plus d’un mois après cette saillie, on en est toujours au point de départ : Laurent Gbagbo, «pas moyen bouger» ! Pire, son autre Dieu, c’est-à-dire le temps, a fini par émousser un peu les ardeurs des va-t-en-guerre en laissant émerger certaines données qui confortent la position du président élu Gbagbo. Ce dernier vaque à ses obligations de chef de l’Etat sans tambours ni trompettes. On vient d’annoncer un budget de près de 3.000 milliards de FCFA (2.907 milliards de FCFA précisément), donc plus élevé que l’an passé et d’affirmer que les salaires seront payés rubis sur l’ongle tout comme une partie de la dette intérieure du pays. Qui dit mieux ?
Si on fait le point, de deux choses l’une.
D’abord, la France et les USA ont pu agiter la menace de la guerre rien que pour faire peur à Laurent Gbagbo afin qu’il décampe de son pays. Si telle était l’intention, il faut reconnaître qu’il y a eu méprise sur l’homme. Le temps passé par ce dernier dans l’opposition, comme depuis 2000 où il a accédé au pouvoir, montrant sa capacité de résistance à la coalition internationale liguée contre lui, n’aura pas suffi à convaincre qu’on avait affaire à un être exceptionnel dont les convictions ne pouvaient être ébranlées ni par les menaces ni par l’usage de la force. On a donc fait chou blanc car ni ces jurements de l’écarter par la force, ni les offres financières pour qu’il accepte un exil doré, n’auront eu pour effet de le faire bouger d’un iota de ses positions.
Ensuite, peut-être que cette menace a été brandie parce qu’on entendait effectivement convaincre les Etats africains d’aller vite fait-bien fait, corriger cette forte tête et l’extraire du pays pour l’envoyer moisir dans une cellule de La Haye. Mais là aussi, on se retrouve le bec dans l’eau puisque malgré les harangues de la CEDEAO et de bien d’autres, et en dépit de l’appel à la curée, on n’a pas vu un commencement de mise en route de l’expédition punitive contre l’homme de Mama.
Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’échec au jour d’aujourd’hui, de cette option de la guerre, ce qui explique que Ouattara Alassane semble de plus en plus désarçonné. Après avoir compris que le choix de la guerre ne pouvait pas prospérer, il avait tendu la main pour que les médias s’en saisissent mais le naturel reprenant ses droits, il vient à nouveau de lancer le Djihad le 14 janvier, contre le président légal et légitime du pays d’Houphouët. Mais manifestement, pendant que quelques-uns continuent à agiter des épouvantails, l’opinion africaine réalise qu’on a voulu amener les Etats africains à commettre un fratricide et se rétractent de plus en plus de la solution par la guerre. Du coup, ceux qui n’ont de cesse d’en appeler à la négociation, à l’arbre à palabres, gagnent en crédit à la plus grande satisfaction de Laurent Gbagbo qui n’a pas arrêté, depuis le déclenchement de cette énième crise, de convier ses «frères ennemis» à s’asseoir autour d’une table pour discuter. Non pas tant pour partager le butin, quoi qu’il ne soit pas contre l’ouverture, mais surtout pour procéder aux vérifications, au recomptage des voix afin que celui qui a véritablement gagné soit déclaré aux yeux de tous vainqueur et que le perdant reconnaisse sa défaite dans les mêmes conditions.
Voilà, au train où vont les choses, une affaire qui risque de tourner à la pantalonnade pour ceux qui l’ont montée en neige, c’est-à-dire la « communauté internationale », la France, les USA en tête et quelques pays africains qui ont mordu à l’hameçon. Au point où nous sommes rendus, la question se pose de savoir qu’est-ce qu’il faut faire pour sortir de cette sale panade.
Alors qu’Obama doit se couper les cheveux en quatre, se demandant qui l’a poussé à embrayer aussi vite sur la position anti-Gbagbo, peut-être Susan Rice (ambassadrice américaine auprès des Nations-Unis -et ex lobbyiste de Ouattara à ce qu’on dit et lit-), Sarkozy, lui, doit se dire qu’il a encore «merdé» !
Ce n’est pas en effet joli-joli, surtout que les évènements en Tunisie viennent encore plus éclairer cette politique de «deux poids, deux mesures» des grandes démocraties à l’égard des pays africains. Et comble de déveine, voilà que la Russie et la Chine, qui jusque-là s’étaient montrées plutôt discrètes, embrayent sur le registre du refus de valider l’ingérence extérieure dans les affaires des pays souverains et disent Niet à l’envoi de 2.000 Casques bleus supplémentaires en Côte d’Ivoire et à des sanctions supplémentaires contre le régime Gbagbo.
C’est la quadrature du cercle !
Mais pour s’en sortir, il y a la bonne vieille formule du bouc émissaire chère à Machiavel. On n’en serait pas là si Ban ki-moon n’avait pas commis la gaffe monumentale d’envoyer son «frangin» Choi foutre cette sainte pagaille en RCI, n’est-ce pas ! Alors, le mal vient de ces deux-là, et principalement du dernier. Cette conviction, la politologue Ivoiro-camerounaise Evelyne Adhéspeau, l’a exprimée en ces termes dans L’Intelligent d’Abidjan du 11 01 2011 «c’est par la reconnaissance empressée par Mr Choi de l’élection de Ouattara que tout ce désordre est arrivé. Pourquoi n’a-t-il pas attendu comme au premier tour la fin du processus c`est-à-dire la validation par le Conseil constitutionnel des élections du second tour. C’est vraiment là, la question. C’est un peu comme les enfants qui jouent aux cartes et celui qui s’aperçoit qu’il est en train de perdre mélange tout. N’eut été les morts que cela engendre cela prêterait à sourire. Et on attend toujours qu’il vienne nous enrichir de sa science et nous expliquer quelle est sa méthode de comptage». Voilà tout simplement exprimée la cause de tout ce bataclan qui fait dire au président angolais Eduardo Dos Santos qu' «il ya un président constitutionnel, qui est l'actuel président de la République, Laurent Gbagbo, qui doit être maintenu jusqu'à la réalisation de nouvelles élections, comme l'établit la loi électorale de ce pays». Et ce pays demande bien sûr qu’avant de reprendre éventuellement tout scrutin, les conditions en soient réunies ; désarmement, réunification du pays...
Alors, pour garder l’honneur sauf à la communauté internationale, à la France et aux USA, Diable, pourquoi ne pas sacrifier ces deux bougres et circuler ?"
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